Les mots surlignés font l'objet d'une note
1Monseigneur, presentement j’ay receu la lettre qu’il vous à pleu m’escrire
2touchant ung nommé Labarre, duquel le sieur de La Marcousse s’est plainct à
3votre seigneurie ; lequel Labarre estant de la compagnie du sieur de Marval qui
4passa par ce païs y a environ trois mois allant en Piemont soubz la conduicte
5du cappitaine L’Isledieu son lieutenant, aiant faict une infinité de maulx en cedit
6païs et demeuré en garnison à Pignerol cinq ou six jours, accompagné de
7cinq autres soldars de ladite compagnie, sans prendre congé de leur cappitaine
8ou autre superieur, se desbandarent et furent trouver ung de la pretendue opinion
9qui les attendoit à St Germain qui delà les mena en Angrogne où
10incontinent ung nommé La Forestz et trente autres de ladite compagnie les vindrent
11trouver ; et despartans dudit Angrogne soubz la conduicte dudit La Forestz, passarent par
12les montagnes de Queiras et près Guillestre et à St Crespin où ilz trouvarent
13une trouppe des huguenotz qui les vindrent recevoir et conduire en Fressinière,
14auquel St-Crespin, ilz prindrent tous les vivres qu’ilz trouvarent pour vivre
15audit Freissinière durant deux jours qu’ilz y demeurarent. Et delà furent
16trouver le cappitaine Bastien à Ourcière qui le receut avecques ses troupes
17et les conduis[i]t pour surprendre le chasteau de La Motte et la ville d’Embrun,
18laquelle faillie, se retirarent à Chorges doù ilz furent pour surprendre
19La Bastie Neufve, au retour de laquelle, Labarre fut blessé par ung des
20soldars de leur trouppe ; de quoy l’on avoit icy vous advertissemens et
21notamment des maulx, marcins et pilleries dudit cappitaine La Forestz et ceulx de sadite
22trouppe. En fin, ledit Labarre, accompaigné d’ung jeune homme nommé Claude
23Estalin, son serviteur et ung laquais, vindrent loger aux faulx bourgz des
24Jacopins et sans faire semblant de rien, se vindrent presenter à la porte pour
25entrer, mais furent recogneuz par le cappiataine Curebource et autres qui les
26menarent à monsieur de La Tivolière, de l’auctorité duquel ilz furent faictz
27prisonniers. Et estans interrogez sur la verité de ce que dessus, ont
28confessé ingenuement la verité de leur despart assembler et suite desdits
29huguenotz, mais non la fin de leur entreprinse, quoy qu’il ait esté mis à
30la question ; toutesfois de ses responses dudit Stalin et laquais resulte
31tout ce qu’est narré cy dessus, mesmes que lors qu’ilz voulurent
32surprendre Embrun, Colombin dict audit Labarre que ung soldard acoustré
33de rouge se debvoit presenter à la porte d’Embrun pour faire l’execution
34[228 v°] de quoy, par commandement de la cour et dudit sieur de La Tivolière, j’advertis
35le sieur vibally d’Embrun pour confronter en tant que de besoing ledit Labarre
36et ledit acoustré de rouge qui estoit Casteau Redon qu’il detenoit prisonnier,
37duquel sieur vibally ayant heu response, ledit Labarre a esté condemné et
38executé à l’estrapade et à bannissement perpetuel, mais quant à son cheval et
39armes, je n’en ay point veu ne manié. Bien avoit ledit Labarre ung
40meschant cheval borgne qui par l’ordonnance dudit sieur de La Tivolière
41fut vendu en la place vingt florins et l’argent baillé à une hostesse
42despendu par eulx. L’on a esté contrainct leur ordonner le pain du roy qu’ilz
43n’ont payé, ne aucuns autres fraiz ne despens ; et quant à l’arquebouze,
44ung fourreau et fournimens, ilz sont rière monsieur de Merieu,
45auquel le cappitaine Curebourse les remist lors qu’il fut constitué prisonnier,
46qui n’estoit en ceste ville quand ladite sentence fust donnée et n’est encores
47de retour. Jehan de Vaulx, ung des archers qui a gardé cinq jours
48lesdits prisonniers, m’a monstré ung decharge qu’il a dudit Labarre de
49toutes ses hardes. Ladite sentence a esté baillée avec nombre d’assesseurs en
50la presence dudit sieur de La Tivolière, comme il vous plaira veoir
51par l’extraict d’icelle ; et m’excuserois de la trop grande doulceur que
52l’on a usé envers luy pour avoir par deux fois encouru crime de lèse
53maiesté, n’estoit que je suis contrainct passer par leur conseil et
54advis.
55Monseigneur, je prie le Createur vous donner en parfaicte prosperité
56et santé, longue et heureuse vie. A Grenoble, ce XIIIIe fevrier
571574.
58Votre très humble et obeissant
59serviteur à jamais
60Bonnet.